Assurance Perte de gain maladie : un système grippé

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OPINION
 

La perte de gain maladie, une assurance pas (toujours) obligatoire

De nombreuses entreprises font le choix de contracter une assurance perte de gain maladie. Cette dernière permet de verser une indemnité journalière qui couvre au moins 80 % du salaire de l’employé en arrêt de travail pour cause de maladie. L’employeur est ainsi libéré de son obligation de verser le salaire*. Il faut noter que si cette assurance n’est pas obligatoire en Suisse, certaines conventions collectives prévoient expressément que l’employeur en souscrive une. 
 

Une situation qui se dégrade

Depuis quelques années, et plus particulièrement avec la crise sanitaire, les primes d’assurance perte de gain maladie connaissent une hausse exponentielle, les garanties se réduisent comme peau de chagrin et, paradoxalement, la mise en concurrence des compagnies aboutit régulièrement à la reconduction de l’assureur en place avec des conditions moins favorables.

Cette situation s’explique par 3 raisons principales : l’absentéisme en entreprise ne cesse d’augmenter (pression, environnement professionnel en mutation, maladies psychiques, …), la FINMA a accru sa surveillance sur la rentabilité de chaque domaine d’assurance et, enfin, les assureurs refusent les risques qui n’entrent pas dans leurs plans financiers.

Une 4ème raison, invisible par le grand public, empêche la libre concurrence de la branche Perte de gain en cas de maladie.
 

Une mise en concurrence entravée

Face à cette situation dégradée, la tentation est donc forte, du côté des employeurs, de mettre en concurrence les compagnies d’assurance. Or, les résultats des appels d’offres montrent souvent que, malgré des primes plus élevées, l’assureur tenant reste le plus compétitif. Une question se pose donc : les conditions d’une réelle mise en concurrence sont-elles réunies ? On ne peut qu’en douter lorsque l’on décortique le système.

Quand un nouvel assureur souhaite reprendre un contrat à l’un de ses concurrents, il doit poursuivre le versement des indemnités journalières pour les maladies en cours, en lieu et place de l’ancien assureur. Il est lié à « la convention de libre-passage pour l’assurance collective d’indemnité journalière » qui a été signée par la grande majorité des assureurs membres de l’Association Suisse d’Assurances.

Le nouvel assureur doit donc provisionner ces cas pour pouvoir prendre le relais des indemnisations, ce qui lui génère automatiquement une perte d’entrée. A l’inverse, l’ancien assureur annule les provisions, ce qui lui confère un gain de sortie. On comprend mieux ainsi que tout challenger de l’ancien assureur part avec un handicap puisque les réserves constituées pour indemniser les cas en cours ne sont pas transférées au nouvel assureur. Quel intérêt dans ces conditions de changer d’assureur ?

En assurance accident (LAA) comme pour la prévoyance professionnelle (LPP), les systèmes sont différents. Pour l’accident, même s’il y a changement d’assureur, c’est l’ancien qui indemnise le sinistre jusqu’à sa clôture. Pour la prévoyance professionnelle, un changement de caisse de pension entraine un transfert des provisions constituées pour le cas en cours à la nouvelle caisse. Dans ces 2 systèmes, l’assureur est obligé d’assumer le risque souscrit jusqu’à son terme.
 

Des données bien protégées ?

Dernier point qui pose question : la protection des données lors des échanges entre assureurs. Dans le cadre des appels d’offre, chaque candidat apprécie le risque sur la base des données transmises par l’assureur en place. A l’heure où la cyber sécurité est au centre des priorités de toutes les entreprises et où la loi renforce drastiquement la protection des données personnelles, il est légitime de se demander d’une part, si cet échange d’informations applique toutes les mesures pour garantir la sécurisation des données et d’autre part si le fait même d’échanger des données financières entre assureurs est bien conforme à la règlementation.

 

A quand une réforme de l’assurance PGM ?

Jusqu’où ira la hausse des primes d’assurance PGM d’ores et déjà insoutenable pour beaucoup d’entreprises ? Peut-on maintenir un système qui remet en cause le principe même de libre concurrence ?

Certes, il existe des alternatives tels que le stop loss ou la création d’une captive. Mais ces alternatives sont réservées aux grandes entreprises uniquement.

En tant que courtier, nous proposons ces solutions fréquemment. Mais il nous semble urgent et nécessaire aujourd’hui d’ouvrir ce débat avec toutes les parties prenantes.

 
 
*art. 324a et 324b du Code des Obligations

Un calcul de primes peu équitable : la preuve par l’exemple

 
L’assureur en place facture son entreprise cliente sur la base des données suivantes :
Moyenne de 100’000 CHF de sinistres/an x 1,3 (correspondant à la marge commerciale, frais administratifs, etc.). La prime annuelle est de 130'000 CHF. 

Il a mis en réserve 50 000 CHF pour les cas en cours. 

Le nouvel assureur devra ajouter la part de la réserve nécessaire pour poursuivre l’indemnisation des cas en cours. Il calculera donc, pour un contrat de 3 ans, la prime comme suit : 300’000 CHF de sinistres + 50’000 CHF de réserve pour les cas en cours = 350’000 CHF x 1,3 (correspondant à la marge, frais, etc.) = 455’000 CHF pour les 3 ans

Soit un total de 152'000 CHF de prime annuelle


La conclusion s’impose d’elle-même : le nouvel assureur est plus cher que l’ancien car il doit prendre en compte les réserves. De plus, l’assureur en place pouvant calculer également le niveau de prime sur lequel ses concurrents vont établir leur offre, peut augmenter sa prime tout en restant compétitif (dans notre exemple, il pourrait augmenter la prime jusqu’à 150’000 CHF soit une hausse de 20’000 CHF).


Le système empêche la libre concurrence et contribue à la hausse des primes.

 
 
 
AUTEUR
Yvan Roux - Swiss Risk & Care
Yvan Roux est Directeur de l’Unité d’affaires Entreprises chez Swiss Risk & Care. Il bénéficie de plus de 25 ans d’expérience dans le domaine des assurances, de la prévoyance et des services RH au sein de compagnies d’assurance et de notre groupe. A ce titre, il a la responsabilité de l’ensemble des services dédiés à la clientèle Corporate.
Cet article a été partiellement repris par le journal Le Temps - octobre 2021. 
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