Depuis son entrée en politique, l’UDC Guy Parmelin s’est intéressé à la problématique des assurances sociales. Avant son élection au Conseil fédéral le 9 décembre dernier, il a notamment présidé durant deux ans la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil national. Fin novembre, il nous a reçus chez lui à Bursins pour revenir sur les derniers développements du projet de réforme de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et de la prévoyance professionnelle (LPP).
Pour l’AVS, l’idée phare de la réforme est de fixer l’âge du départ à la retraite à 65 ans pour tous, tout en introduisant une certaine flexibilité : il sera possible de partir plus tôt, en payant ce que cela coûte, sans traitement de faveur. Une augmentation échelonnée de la TVA d’un point et demi est prévue pour financer le tout. Du côté de la LPP, la mesure principale est la diminution du taux de conversion de 6,8% à 6%, tout en essayant de trouver une compensation pour la tranche d’âge dite transitoire. La problématique des rentes de veuves et les mesures concernant les indépendants ont été retirées du projet après son examen par le Conseil des Etats, car sources potentielles de conflit lors d’un vote populaire.
La Suisse va compter 600’000 nouveaux retraités d’ici à 2025. Si nous ne faisons rien aujourd’hui, le fonds de compensation de l’AVS va baisser très rapidement et creuser un trou de plusieurs milliards de francs. Concernant le 2e pilier, l’évolution démographique joue aussi un rôle, mais s’y ajoute la problématique des marchés financiers, avec des taux d’intérêt bas, voire négatifs, tels qu’introduits par la Banque nationale suisse.
Après son passage au Conseil des Etats, le projet est équilibré jusqu’en 2030, ce qui revient à dire que s’il entre en vigueur en 2019, nous pourrons recommencer aussitôt. Car il faut en moyenne dix ans pour mettre sous toit une réforme AVS. Préparer la phase suivante sera l’un des dossiers prioritaires de la nouvelle législature. Mais dans l’hypothèse où la réforme 2020 échoue, nous devrions très rapidement nous pencher sur un mécanisme prévoyant une augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite, de manière à empêcher de creuser ce trou et de vider le fonds de compensation AVS. C’est une mesure que nous devons aussi aux générations futures, qui seraient les premières pénalisées.
L’Allemagne a augmenté la TVA en une seule fois, ce qui n’est pas possible législativement parlant en Suisse. L’Allemagne a également décidé d’augmenter progressivement l’âge de la retraite à 67 ans, sur une période de 28 ans. C’est une idée que l’on peut éviter ou retarder dans le cadre de la réforme 2020. Mais nous n’allons pas échapper à cette réflexion quand on voit les coûts nécessaires pour financer un système de retraite digne de ce nom. D’autant plus que l’espérance de vie au-delà de 65 ans atteint aujourd’hui 22 ans en moyenne. Parmi les solutions à disposition, vous pouvez cotiser plus pour que la part du gâteau augmente. Mais dans ce cas-là c’est le pouvoir d’achat qui diminue et les charges des entreprises qui augmentent, avec un impact certain sur la compétitivité. Ou bien vous répartissez les rentes sur une plus longue durée, et les tranches deviennent plus petites. Je pense que l’élévation progressive de l’âge de la retraite, mois par mois en fonction de l’état du fonds de compensation, est une mesure qui méritera d’être étudiée.
Il est prévu que la réforme soit examinée par le Conseil national durant la session d’automne, au mois de septembre. C’est un objectif très ambitieux, je ne le cache pas, même si nous nous sommes donné les moyens de le faire. Avec Ignazio Cassis, mon successeur à la tête de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique, nous avons ajouté plus de cinquante heures supplémentaires de travaux à la commission.
Le projet de réforme actuel prévoit de réaffecter à l’AVS 0,3 point de TVA qui est aujourd’hui attribué à l’assainissement de l’assurance invalidité. Mais pour bénéficier immédiatement de ce pourcentage de TVA, la réforme doit entrer en vigueur en janvier 2018. En tenant compte du vote final et du délai référendaire, il faut donc que les deux chambres aient éliminé toutes leurs divergences d’ici le mois de juin 2017. Dans le cas contraire, le taux de TVA diminuerait pendant un ou deux ans, avant de remonter. Le problème, c’est que chaque changement de TVA coûte entre 300 et 400 millions de francs aux entreprises pour mettre à jour leurs systèmes informatiques et leur comptabilité.
Je pense qu’il ne devrait pas y avoir de divergences sur le «65 ans pour tous», surtout au vu de la nouvelle configuration du Parlement. Les mesures de flexibilisation devraient suivre aussi, peut-être avec quelques légères retouches. Le gros point de friction, ce sont ces nouvelles rentes, ce lien entre 1er et 2e pilier, avec lequel le PLR comme mon parti sont en désaccord. Il y a aussi la question de la TVA : pourquoi, combien, à quel horizon ? Au niveau du 2e pilier, la diminution du taux de conversion devrait trouver une majorité. Ensuite, il faudra se mettre d’accord pour des mesures de compensation. Est-ce que l’on arrivera à tout compenser ? Il y a toute cette problématique des bonifications de retraite (le projet actuel prévoit une augmentation des nouvelles rentes AVS de 70 francs par mois et d’un bonus mensuel de 226 francs pour les rentes de couple, ndlr), qui charge une nouvelle fois la jeune génération. Je n’ai pas de problème à commencer le processus d’épargne à 21 ans au lieu de 25 ans, mais ce sont des mesures qui vont déployer leurs effets à très long terme.
Pour qu’une réforme soumise en votation connaisse le succès, il faut des arguments pour montrer qu’elle est à la fois indispensable et équilibrée. Je pense que les Suisses sont prêts à accepter ce projet s’ils voient qu’il intègre une certaine symétrie des sacrifices. Je reste raisonnablement optimiste quant au fait que les chambres puissent trouver un projet qui ne soit pas non plus insupportable pour l’économie. Il ne faut pas oublier que pour payer des rentes, il faut avant tout des salaires et de la croissance économique.
Après une maturité latin-anglais, et un diplôme de l’Ecole d’agriculture de Marcelin, Guy Parmelin entame sa carrière professionnelle en tant que maître agriculteur-viticulteur, exploitant, avec son frère, un domaine de 36 hectares dans son village natal de Bursins (VD). Membre de l’Union démocratique du centre, il entre en politique en 1993. Député au Grand Conseil vaudois de 1994 à 2003, il est élu au Conseil national en 2003, où il est notamment membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique, qu’il préside de 2013 à 2015. Après son élection au Conseil fédéral le 9 décembre dernier, il a pris ses fonctions le 1er janvier 2016 comme chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports.
Le nombre de piliers sur lesquels repose le système de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité en Suisse. Le 1er pilier correspond à l’AVS, visant à couvrir les besoins vitaux à la retraite, et à l’assurance invalidité. La prévoyance professionnelle (ou 2e pilier) complète l’AVS/ AI. Le 3e pilier définit la prévoyance individuelle, basée sur l’épargne volontaire réalisée par les assurés.
Ce taux détermine la transformation du capital-vieillesse épargné en une rente de vieillesse. Selon le projet de réforme actuel, un avoir vieillesse de 100’000 francs serait converti en une rente annuelle de 6’000 francs, contre 6’800 francs aujourd’hui.
En années, l’espérance de vie moyenne des Suisses après 65 ans, soit 84 ans pour les hommes et 88 ans pour les femmes, selon l’Office fédéral de la statistique
Guy Parmelin Conseiller fédéral en charge du Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) Article publié en mars 2016
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